Experts-comptables, vous avez dit innovations ?

Qui a dit que les cabinets d’expertise-comptables manquaient d’initiative ? Peut-être ceux des dirigeants ou des responsables financiers qui les considèrent uniquement comme les garants de la bonne application des réglementations fiscales et sociales. Ce qui n’est déjà pas si mal. « Dans les entreprises de petite taille, ce qui relève de la comptabilité est vécu comme anxiogène » reconnait Alexandre Tellier, fondateur et dirigeant de ATC, un cabinet qui s’est spécialisée en JEI (Jeunes entreprises innovantes) qu’il accompagne depuis leur création jusqu’à la recherche de financement. Il est donc primordial de leur apporter, si possible clés en mains et en mobilisant un minimum du temps de leurs dirigeants, des réponses techniques à ces questions de base.

Ces TPE regardent souvent d’un mauvais œil la « paperasse » – même si elle est de plus en plus dématérialisée – générée par toutes ces obligations, notes de frais et bulletins de paie, envoi de données aux différents organismes sociaux ou aux services des impôts. A la fois parce qu’elles n’en comprennent pas forcément toutes les subtilités, mais aussi parce leur production consomme du temps d’expert, temps que le cabinet va naturellement facturer.

C’est pourquoi les managers de ces petites sociétés se montrent très sensibles à de nouvelles propositions comme celle de ECL direct,  qui promet de tout faire en ligne et à distance comme le propose aujourd’hui toutes les grandes banques françaises. « Il y a quelques années, l’expert-comptable passait en moyenne 80% de son temps à faire du traitement de données, et 20% en conseil et accompagnement. Désormais, grâce à internet, à la dématérialisation et à de nouveaux logiciels innovants, il peut passer 80% de son temps à faire du conseil et seulement 20% à traiter des données » a calculé Xavier de Labarrière, responsable de l’entreprise.

Un discours offensif qui se double d’une promesse de prix très compétitifs. Mais à bien y regarder, ce n’est pas seulement en dématérialisant les échanges avec ses clients qu’ECL gagne en productivité. Cela, « la plupart des cabinets le font depuis longtemps, à la demande de leur clients d’ailleurs » estime Alexandre Tellier.

Là où ECL Direct gagne aussi beaucoup de temps, c’est dans la production des bilans. Le client participe en effet à l’effort en entrant de nombreuses données lui-même via une plateforme de reporting. « Et puis nous lui faisons confiance. Ainsi, sur la gestion des notes de frais, nous avons considérablement réduit les opérations de saisie et de contrôle. Nous avons une approche anglo-saxonne du risque fiscal, basée sur la confiance envers le client, et un contrôle non exhaustif du travail qu’il effectue lui-même ».

Le terrain, encore et toujours

Cependant, et même ECL en convient, la « dématérialisation » de la relation a ses limites. « Nous nous sommes rendus compte que pour fidéliser ceux de nos clients qui grandissaient, il fallait réinjecter dans nos offres de service du présentiel, du rendez-vous avec les dirigeants » confesse Xavier de Labarrière. Alexandre Tellier est bien d’accord, même s’il n’en fait pas une règle : « il n’y a pas un seuil de déclenchement obligatoire, au niveau de la taille par exemple, pour se rendre chez le client. Mais souvent, à partir d’une dizaine de personnes, de nouveaux besoins de conseil se font jour et il faut évidemment y répondre ».

Chez ATC, ce conseil et cet accompagnement concernent parfois des entreprises plus petites, les fameuses JEI ou Jeunes Entreprises Innovantes. « Nous nous sommes spécialisés dans ce domaine, et nous savons maintenant monter les dossiers qui permettent de prétendre aux avantages fiscaux et sociaux. Il y a des mécanismes à bien connaître et c’est évidemment intéressant d’emmagasiner de l’expérience pour en faire profiter d’autres structures ». Et le dirigeant d’ATC de souligner combien le fait de travailler avec des entrepreneurs qui préparent le monde de demain s’avère gratifiant.

Dans un autre registre, futuriste aussi à sa manière, Gérard Possin de Fiduciaire 21 développe un véritable credo à l’égard de la RSE : « Son apport à l’expertise comptable se traduit par la construction d’indicateurs extra-financiers sur les actions environnementales, sociales ou économiques  de l’entreprise». Avec son associé, il a d’ailleurs souhaité créer un cabinet mettant systématiquement en avant l’efficacité, l’innovation et la solidarité. Avec comme décisions concrètes, la limitation des déplacements – activités les plus « impactantes » en matière de CO2 dans la profession -, la dématérialisation systématique des documents du cabinet, afin de limiter les consommations de papier et d’encre, et la mise à disposition d’outils de mesures d’impact et de progrès aux clients.

On le constate dans ce bref tour d’horizon, les nouveaux experts-comptables ne négligent pas la technologie mais s’efforcent au contraire de la réintégrer dans leurs pratiques, afin de donner un nouveau sens à leur métier. Xavier de Labarrière le répète : « Cela fait vingt ans que l’Ordre conseille aux experts-comptables de faire plus de… conseil justement. Tout le monde est d’accord, mais tous n’y arrivent pas. Quand on voit, sur Internet, fleurir des offres de conseil en ligne facturées à la minute, ça accentue la pression … ».

Partager l’information entre clients

La réponse serait donc dans l’innovation, et le fondateur d’ECL a plusieurs idées en tête, comme la création de clubs qui rassembleraient des clients de son cabinet, pour les aider à partager leurs bonnes pratiques. « Ce qui serait nouveau dans une profession où on rechigne à mettre en contact les clients directement les uns avec les autres sans tout contrôler ».

Son confrère d’ATC n’est pas en reste. Déjà, il tire parti de ses savoir-faire acquis avec les JEI pour traiter les dossiers de CIR (Crédit Impôt Recherche), cette fois pour l’ensemble de ses clients. Une réutilisation assumée qui l’amène aussi à s’ouvrir à d’autres univers : « Je n’oppose pas le comptable au financier par exemple. Il est bon que l’expert-comptable sache conseiller ses clients dans la mise en valeur de leurs résultats, pour aller chercher des partenaires ou du financement. La dimension technique de notre métier est nécessaire, mais il faut savoir aussi fournir les outils du pilotage et de la projection ».

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